Impressions américaines

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On a quitté les Etats-Unis avec un pincement au coeur… Et pour cause on y aura passé presque 3 mois. 3 mois à traverser le Sud, de la Floride à la Californie. Nous avons ressenti plein de choses en terminant le tracé de nos aventures américaines sur une carte. Notamment un petit vertige à l’idée d’avoir réellement traversé ce pays, de nous être arrêtés dans tant de villes, de villages, d’Etats, d’avoir rencontré tellement de gens et d’avoir vécu une expérience si variée. On aura jamais l’impression d’avoir « vu » ou « fait » les Etats-Unis : nous savons que nous avons encore des milliers d’endroits à découvrir, des millions de gens à rencontrer. Mais nous avons quand même l’impression d’avoir bien avancé. Nous avons aussi eu la chance de découvrir les Américains sans interférence, directement. C’est peut-être parce que nous n’avons rencontré aucun voyageur sur notre chemin, que des Américains. Mine de rien, cela change un peu l’expérience.

Aller à la rencontre des Américains, on s’en réjouissait ! Et quelle bonne surprise ! Les Américains se sont révélés être très avenants, accueillants et gentils. Quel que soit l’Etat, quelle que soit la situation, on se dit bonjour, on se sourit dans la rue. De nombreuses fois on nous a spontanément aidé à trouver notre chemin et posé des questions sur notre voyage. Et ce n’est pas uniquement envers les voyageurs, on constate également qu’ils se parlent assez facilement dans les lieux publics même s’ils ne se connaissent pas. Une belle surprise pour un pays connu pour son culte de l’individu. On aurait pu les imaginer vivant davantage chacun dans leur petite bulle.

Pour nuancer un peu cette impression, de nombreux Américains avec qui nous avons discuté, nous ont parlé d’une certaine hypocrisie. Nous ne l’avons pas directement vécue, mais on nous a expliqué qu’il était parfois difficile de passer le premier contact ou le premier bonjour, ou de se faire des amis lorsque l’on est nouveau résident aux USA.

Ceci dit, c’était agréable tous ces « hello », ces sourires, ces rencontres ! Ce sont des moments forts de notre voyage.

On les connait si bien…

Aux Etats-Unis, on a constamment eu l’impression de voir les coulisses d’un film. On est tellement bercé dans leur culture médiatique que lorsqu’on y voyage on a la douce impression de déjà connaître les lieux. On n’est pas totalement perdu. Beaucoup de paysages nous semblent familiers (on l’a super fort ressenti dans des villes comme Miami ou Los Angeles). A côté de cela, on est très vite confronté aux différences et on s’aperçoit vite que nos repères et habitudes ne sont pas du tout les mêmes. Cette double impression nous a permis d’aller en profondeur dans la découverte de cette culture.

En 3 mois aux USA, nous avons eu le temps de nous confronter aux nombreux clichés que nous avons sur les Etats-Unis. Certains se vérifient et d’autres pas.

Il y en a deux que ce voyage nous a permis de déconstruire au fil de nos rencontres.

Le premier est que l’on imagine souvent les USA comme un pays plutôt homogène, uni sous le drapeau américain. Sans étudier sérieusement le pays, en ne se basant que sur ce qui nous parvient via les séries, les films, on peut rapidement arriver à cette impression. Même politiquement, il ne nous parvient qu’une et une seule image : celle du Président. Après notre traversée du pays par le Sud, cela nous a sauté aux yeux : c’est mille fois plus compliqué que cela. Cela peut paraitre logique mais c’est en le vivant pendant 3 mois que nous avons réellement compris à quel point nous nous trompions. Les Américains sont très patriotes, c’est vrai, mais avant tout envers leur Etat. Les Texans que nous avons rencontré nous ont dit se sentir Texan avant de se sentir Américain. En passant d’un Etat à l’autre et en en visitant plusieurs, nous avons pu goûter et ressentir les différences qui les séparent. Chacun d’eux est comme un petit pays, avec sa propre culture, sa population, ses réalités. Et il ne leur est vraiment pas évident de gouverner tous ensemble !

Il nous revient aussi souvent l’image d’Américains autosuffisants, ne voyageant jamais en-dehors des Etats-Unis, ignorant tout du reste du monde. Cela n’est pas vraiment un cliché et les premiers à nous en parler et à le déplorer sont les Américains eux-mêmes. Mais nous avons découvert une nuance assez surprenante : le rêve européen existe ! Bien sur, tous les Américains que nous avons rencontrés (sans exception) ont la certitude inébranlable qu’ils vivent dans le pays le plus riche et le plus puissant du monde. Cela nous revenait comme une leçon 1000 fois répétée à l’école impossible à ne fut-ce qu’imaginer remettre en cause. Mais à côté de cela, nous avons souvent vu apparaitre un petit complexe d’infériorité. Ils sont toujours gênés de nous conseiller un bâtiment historique de chez eux, car « ça ne vaut pas ce que vous avez chez vous ». On a aussi entendu « vous en Europe, vous avez de belles statues, avec des généraux victorieux ou de grands hommes, nous, nous faisons des statues des personnages de Star Wars… ». A en croire certains, les Etats-Unis n’ont pas de culture, cela reste l’apanage de l’Europe. L’immense majorité des gens que nous avons croisé nous ont confié leur rêve de visiter l’Europe. Cela nous a un peu surpris mais la fascination qu’exerce l’Europe sur les Américains est belle et bien réelle.

Le jeu des 7 différences

Nous avons toujours voulu en savoir plus sur ce qui différencie nos sociétés européennes des Américains. Grâce à Airbnb, au Wwoofing, aux rencontres que nous avons faites autour d’une bière dans un bar ou encore en attendant un bus, nous avons eu la chance d’en discuter avec de nombreux Américains et même d’aborder les sujets les plus sensibles. La peine de mort, l’omniprésence de la religion, le système de santé, l’éducation, la guerre, la sécurité sociale, tout y est passé.

Un premier choc a été de rencontrer des voyageurs américains avant d’arriver dans leur pays et de constater qu’ils voyageaient sans assurance. Pas mal d’Européens font pareil, c’est vrai. Mais quand l’un de nos potes voyageurs se fait déchiqueter le doigt par un singe et que son premier réflexe est d’attendre que cela passe parce qu’il n’est pas assuré, cela surprend. Et cela prend encore une autre ampleur quand ce même doigt s’infecte et qu’on parle à notre pote américain d’amputation. Après plus d’un mois d’allers et retours dans des hôpitaux sud-américains, il a fini par rentrer chez lui. L’histoire se finit donc bien mais laisse un peu perplexe. Ce réflexe de méfiance financière par rapport au monde médical, on l’a retrouvé pas mal de fois dans nos discussions. Nous avons ainsi appris que la tendance des médecins américains était de multiplier à l’excès les examens médicaux (genre le test HIV pour une opération du bras…) et qu’il fallait réellement se battre pour ne pas voir sa facture gonfler.

Ce qui frappe beaucoup les Européens aux Etats-Unis, c’est le rapport à l’argent. Certains guides papiers préviennent que cela peut agacer. En fait, cela change tout. C’est vrai que lors d’une visite culturelle, un guide américain va parfois plus insister sur la valeur des oeuvres que sur le courant artistique auquel il appartient. Mais cela rend aussi les négociations financières plus faciles, pour nous qui avons un rapport quasi honteux avec l’argent. Donc quand on voyage, c’est plus clair et direct et parfois plus facile. Ce rapport à l’argent décomplexé peut aussi expliquer pourquoi certains Etats plutôt conservateurs se mettent à débattre de la légalisation de la marijuana : ça rapporte ! Et cet argument-là, beaucoup d’Américains le comprennent.

La peine de mort est probablement le sujet le plus délicat que nous avons abordé durant ce voyage. Et cela fait bizarre pour nous qui considérons cela comme acquis d’avoir une discussion constructive et ouverte au sujet de la peine de mort. Les tenants du « pour » nous ont ainsi expliqué que, pour eux, il s’agissait du meilleur moyen pour la société de se remettre d’un drame. Les familles des victimes par exemple pouvaient ainsi passer plus facilement à autre chose si le coupable était publiquement exécuté. L’un des arguments contre la peine de mort qui nous est revenu à chaque fois qu’on a abordé ce sujet est le coût. A cause des procédures d’appels, l’exécution d’un condamné coûte beaucoup plus cher que la réclusion à perpétuité.

On nous a aussi évidemment parlé du racisme qui reste profondément installé dans les mentalités, en particulier dans le Sud. Eh oui, Martin Luther King, c’était il y a moins de 60 ans. Et il faudra encore pas mal de temps pour que cela évolue…

Ce qui nous a aussi frappé en nous baladant dans les grandes villes américaines, c’est le nombre de laissés pour compte. C’est sûr il y en aussi en Europe, mais nous avons eu l’impression que c’était un peu différent aux Etats-Unis : plus visible et plus impressionnant. Les gens qu’on voit mendier dans la rue n’ont pas seulement l’air affamé ou d’avoir bu un coup de trop pour se réchauffer ou s’évader un peu d’une vie de problèmes ; beaucoup d’entre eux ont l’air d’être passés de l’autre côté, le regard vide, à hurler leur frustration sur une poubelle ou un feu rouge. Peut-être que chez nous, le système comporte plus de filets de sécurité qui permettent à ceux qui ont des difficultés de se relever ou du moins de ne pas sombrer.

Au final, on a pu vérifier que le rêve américain existe toujours. La phrase «Aux Etats-Unis, tout le monde peut devenir quelqu’un et réussir », nous l’avons entendue plus d’une fois. Mais nous retiendrons aussi la deuxième partie qui l’accompagne : « … mais il vaut mieux être riche, blanc et en bonne santé ».

Nous avons eu beaucoup de chance de rencontrer autant d’Américains et de pouvoir échanger avec eux. Grâce à eux, nous avons ainsi pu toucher à l’extrême complexité de leur pays et en découvrir quelques facettes. On ne les remerciera jamais assez pour leur accueil.

 

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