Livraison urgente !

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Il existe un monde parallèle dans beaucoup de grandes villes. Un monde entre les bandes de circulation, entre les automobilistes et les camions. Un monde parfois bien délimité et parfois pas. C’est un monde qui va d’un immeuble d’affaires à un cabinet de dentiste. Ou de la poste à un coffeeshop. Très souvent ça va vite, il le faut, c’est le job. Le but du jeu est d’aller vite. Ce jeu consiste à recevoir des missions, 3, 4, 5, 6 en même temps si on s’en sent capable. Et à relever ces défis en un minimum de temps. La récompense dépend de la rapidité, de l’efficacité et d’un peu de chance aussi.

Ce monde c’est celui des livreurs à vélo de Melbourne. Ou comme on dit là-bas, les bike couriers. Et nous avons plongé dans ce petit monde pendant notre temps à Melbourne. Comme nous vous l’avons expliqué dans notre article précédent, après 2 semaines de recherche d’un boulot à Melbourne, nous avons croisé la route de Blane, qui a créé son propre service de livraison à vélo dans le centre de Melbourne. Il nous a proposé d’essayer, de voir comment on s’en sortait, nous a prévenu que la paie ne serait pas immense, en tous cas au début, et, très important pour nous, a accepté une certaine flexibilité quant à la longueur du contrat. Eh oui, nous ne restons que 2 mois en Australie et nous cherchions un boulot à très court terme…

Le principe est simple : livrer un paquet, cela va d’une cartouche d’encre d’imprimante à des caisses de 5kg de fruits, en un temps donné. Il y a les livraisons urgentes, les standards, à livrer en 90 minutes, et les quotidiennes, à livrer dans la journée. Nous commençons d’abord avec les vélos empruntés à nos hôtes Airbnb, et avec quelques jobs simples : des cartes sims et quelques livraisons pas trop loin du centre. Pas évident. Ne pas connaitre la ville rend les courses vraiment compliquées. Au début nous livrons à deux. De temps en temps on essaie de gagner du temps, l’un va livrer en mains propres et l’autre cherche déjà la prochaine destination à l’aide de son smartphone. Nous commençons par le CBD (le centre business de Melbourne) puis très vite nous allons jusqu’aux quartiers autour : Southbank, South Yarra, West Melbourne,… Les premiers jobs sont livrés en temps et en heure mais le rythme s’accélère avec nos premiers comptes à rebours. Au final, un seul vélo-cargo (les cargobike avec une grande caisse bleue devant) est libre, c’est donc Jay qui continuera le job. Adèle quant à elle, profitera de cette période pour s’adonner à une ancienne passion : l’écriture !

L’équipe de Blane est composée de 4 ou 5 couriers chaque jour. Deux cargobikes, Alana et, depuis peu, Jay, se joignent à celui de Blane pour sillonner la ville. A ceux-là s’ajoutent quelques autres couriers sur des vélos simples mais dont les pièces sont chacunes murement réfléchies et chèrement payées. Eh oui, nous voilà dans un monde de fous du guidon, de professionnels du vélo. Les quelques dizaines de couriers de Melbourne sont tous mordus et beaucoup ont choisi ce boulot pour pouvoir passer leur journée sur leur vélo. Ils participent d’ailleurs tous aux compétitions internationales de couriering ou de vélo de la région ou même du pays (certains se rendront même en France pour la compétition internationale de livreurs à vélo l’année prochaine). Ils connaissent la ville comme leur poche et même mieux que cela. Ils savent exactement comment combiner 5 jobs en même temps et la meilleur manière d’y parvenir. Jay y parviendra aussi avec un peu de temps mais les premiers jours ne sont pas évidents. Imaginez-vous dans une ville inconnue. Vous recevez une adresse A où aller chercher un paquet pour le livrer à une adresse B. Sur le chemin, vous recevez une adresse C qui se situe entre A et B et vous devez aller chercher un autre paquet, un bouquet de fleurs par exemple pour le livrer à une adresse D. Et vous multipliez cela par 5 ou 6. Il n’existe pas de meilleur moyen pour apprendre à connaitre une ville ! On apprend ainsi des détails comme le fait que la pente de Bourke St est plus difficile que celle de Collins entre Swanston et Queen. Ou encore que certains numéros comme le 373 et le 374 ne sont pas face à face mais séparés d’un bloc. Ou que Little Lonsdale St et Flinders Lane sont à sens unique. Tous ces détails, les couriers de Melbourne les connaissent par coeur. Et Jay aussi maintenant.

20 Collins St est le quartier général de l’équipe de Blane. Là d’où partent beaucoup de jobs. Nous découvrirons plus tard que le repaire des couriers de Melbourne en général est l’ensemble des marches 140 William St. Tous se retrouvent là entre deux jobs ou dans un moment creux. On les reconnait facilement, ils ont tous le même sac en bandoulière, une sorte de cartable capable d’emporter pas mal de paquets en une fois, la même casquette de cycliste aux couleurs de Melbourne ou d’une compétition de couriering. Le soir venu, ils se retrouvent dans leurs pubs. Ces quelques endroits où ils se donnent rendez-vous, le Public Bar ou encore le Drunken Poet se remplissent de courriers en short et en casque dès la tombée du jour. Pour certains couriers, on fait vite partie de la famille. Ils vous siffle en rue pour attirer votre regard et se lancent dans un wheeling (rouler uniquement sur la roue arrière) en vous saluant d’une main. Avec d’autres cela prend plus de temps.

Nous mentionnons le casque parce que c’est légalement obligatoire à Melbourne. Et la police ne rigole pas avec cela. Elle ne rigole d’ailleurs pas avec grand chose. Un matin, Jay franchit un passage pour piétons après qu’il se soit vidé… sans attendre que le feu ne passe au vert. Aucun danger ni pour Jay ni pour les piétons mais le règlement, c’est le règlement. Et les agents de police de Melbourne qui étaient en planque juste à cet endroit le connaissent bien, ce règlement. Une amende de 369 dollars l’attendait donc juste après ce passage piéton. Heureusement, le policier a saisi l’accent étranger et a montré une certaine clémence (un simple avertissement!) ce qui n’est pas courant à en croire pas mal de couriers de Melbourne (80 dollars d’amende si tu n’as pas de sonnette quand même!). On travaille au chiffre à Melbourne, à la statistique. Chaque agent est sensé ramener un certain nombre d’amendes par semaine. Un bon moyen de se mettre la population à dos ! En tous cas, ça calme et Jay mettra un point d’honneur à respecter les règles après ça !

L’une des expériences les plus grisantes est un paquet urgent (= $$$) à livrer. Ce sont les derniers jours donc on connait mieux la ville. Une adresse familière, l’autre moins. Grimper sur son vélo et pédaler. Ne pas perdre une seconde. 30 minutes, cela passe vite ! Pas une raison pour devenir imprudent, la paie ne vaut pas un accident. Au final, 5 minutes de retard, ce qui est très bon et un client très content. La plupart des couriers sont prudents, mais certains sont clairement en manque d’adrénaline et prennent beaucoup de risques. L’un d’eux quittera les marches du 140 William St en coupant la route à une voiture et répondra à son coup de klaxon par un gentil doigt relevé. Il y a clairement chez eux un esprit d’aventuriers dans la jungle urbaine. En règle générale, les conducteurs de Melbourne sont plutôt courtois mais certains font prendre beaucoup de risques aux livreurs tout terrains.

Ce job est vraiment génial. C’est crevant, c’est sur, mais vraiment chouette ! L’accueil dans les bureaux d’affaires aux 35 ou 40e étages (waow quelle vue…) ou dans les coffeeshop est souvent très chaleureux. De chouettes rencontres aussi avec les couriers de Melbourne, Blane, Alana, Nathan, Sara, Alan et bien sûr Beaker, le plus accueillant de tous ! De très belles balades aussi un peu partout autour de Melbourne. Bref, une expérience inoubliable !

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