Sur la route des plantations…

IMG_5838

On a tous en tête ces images vieillies de demeures majestueuses du XVIIIe et XIXe siècle posées au milieu de champs de coton ou de canne à sucre au bord du fleuve Mississippi. Autant en emporte le vent, ou plus récemment 12 years a slave, nous content une époque importante de la région sud des Etats-Unis. Une époque contrastée par la réussite, le faste et l’art de vivre de ces familles blanches et le mode de vie et de travail difficiles imposés aux esclaves dans les plantations.

Des propriétaires blancs ont fait fortune en exploitant des parcelles de terre le long du fleuve Mississippi. Dans le sud où nous étions, ils cultivaient de la canne à sucre, plus au Nord, vers l’Etat du Tennessee c’était plutôt du coton et ailleurs, du riz. La terre était propice à la culture et le fleuve était une véritable autoroute pour acheminer les récoltes dans le pays ou ailleurs. Ces propriétaires n’auraient pas pu faire fortune comme ils l’ont fait sans le travail fourni par leurs esclaves. On estime que plusieurs millions d’Africains ont été arraché de leur terre d’origine – principalement d’Afrique de l’Ouest et du Congo –, amenés par bateau aux Etats-Unis et vendus à ces exploitants. Les plus robustes travaillaient dans les champs, d’autres comme domestiques. La richesse d’une famille dans les plantations s’évaluait aux recettes économiques mais également au nombre d’esclaves qu’elle possédait.

La région que nous avons visitée a été particulièrement rentable au début des années 1800, augmentant considérablement le besoin en main-d’oeuvre. Le chiffre d’esclaves a quadruplé dans les 30 premières années de ce siècle faisant de la Nouvelle-Orléans un des marchés les plus importants du pays. Ici, le climat est humide et le travail dans les cannes à sucre usant. Les propriétaires achetaient donc des hommes dans la force de l’âge, quitte à briser des familles.

C’est avec ces quelques connaissances que nous nous sommes rendus à deux plantations afin d’en apprendre davantage sur la vie à l’époque et sur l’histoire de l’esclavage qui emprunte encore durement la société américaine du sud. La plupart de ces demeures n’ont pas tenu le coup et sont restées longtemps à l’abandon mais certaines se dressent encore majestueusement le long du fleuve et délivrent aujourd’hui les secrets de l’époque.

Nous avons visité « Laura Plantation ». Laura est l’arrière-petite-fille du fondateur de la plantation. Elle est décédée il y a une cinquantaine d’années. Grâce à ses mémoires écrites pour ses enfants, nous pouvons retracer 200 ans d’histoire familiale. Dans leur magnifique maison colorée et créole, on découvre tout un univers de bourgeoisie et de prospérité, de traditions familiales et de succession. Laura est née dans ces lieux et elle a vu sa grand-mère traiter durement les esclaves qui ne travaillaient pas assez à son goût ou tentaient de s’évader vers une vie meilleure. Laura a également connu la Guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage en 1865. C’est un grand tournant dans l’histoire, les esclaves étaient des hommes libres. Mais libres de quoi ? L’amendement condamne le statut d’esclave mais ne donne aucun moyen de garantir l’autonomie de ces nouveaux affranchis. Libres de partir, de ne jamais trouver un autre travail et d’être séparé de leur famille et amis ? Elle raconte que la plupart sont restés travailler pour sa famille et bientôt pour elle. Derrière cette belle demeure, on peut encore voir quelques cases où étaient logés les esclaves dans des conditions très rudimentaires.

Après ce premier aperçu, nous avons souhaité approfondir encore le sujet en allant visiter la « Oak Alley Plantation », la plantation à l’allée de chênes. Très célèbre pour son allée de chênes de 300 ans, la plantation est magnifique. D’une blancheur éclatante, la maison est devancée par une allée d’arbres qui étirent leurs bras tortillants formant ensemble une voûte naturelle. Ici, c’est un autre style de visite. Les guides sont habillées avec des robes de l’époque et le faste et le luxe sont choquants. L’été, pour véhiculer un peu d’air frais, on plaçait un bloc de glace au milieu de la table. Ces blocs de glace étaient acheminés par bateau et coûtaient un bon paquet de dollars. On sent également tout le mépris et la vie dure qui était imposés aux esclaves de l’exploitation. On les soupçonnait de voler de la nourriture dans les plats durant le voyage entre la cuisine et la salle à manger, alors on les obligeait à siffler sur le trajet. Toute la visite nous parlera de cette famille et d’anecdotes dites « croustillantes », mais nous n’y avons pas prêté beaucoup attention. Par contre, nous avons apprécié l’exposition sur la vie des esclaves de cette plantation. Les méthodes de travail étaient particulièrement violentes et on prenait peu soin de leur santé et de leur moral. Seul un esclave s’en tira mieux que les autres, le chouchou de la maîtresse des lieux, qui reçu sa liberté avant les autres et fut permis d’acheter celle de sa femme. Il resta malgré tout enchaîné à la plantation car ses fils y travaillaient.

Une partie importante de l’histoire des Etats-Unis repose sur cette période sombre de la région. On sait que si le président Lincoln a aboli l’esclavage ce n’est pas que par idéalisme c’était surtout par stratégie pour affaiblir le sud, et les descendants des esclaves noirs affranchis vivent encore dans ce pays, et luttent encore tous les jours pour avoir les mêmes droits que leurs voisins. Il y a peu, encore au XX eme siècle, ils devaient encore céder leur place dans le bus pour un blanc et n’avaient pas le droit de vote. Le racisme et la colère grondent encore, et ces lieux d’histoire sont importants pour que tous comprennent les enjeux d’un passé si douloureux.

2 commentaires

    1. Adèle et Jay Auteur de l’article

      Ca peut être pas mal en effet. Mais du coup, il en faudrait des déjà bien agés. On va se renseigner pour savoir à combien ils vendraient ceux de Oak Alley.
      On te tient au courant.
      Bisous.

      Répondre

Répondre à Jeèl Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *